08 octobre 2005

Le premier diner en Equateur

hier soir j'ai pu faire plus ample connaissance avec Pascual, au dîner:
Tous les deux exténués, nous décidames de rester à l'hôtel et de se coucher tôt, du coup nous avons pris notre dîner (j'étais totalement affamé) à 18h30...
La nourriture est très rustique: soupe de petit pois avec des petits morceaux de viandes que je n'ai pu identifier, le tout accompagné de jus de papaye; puis du porc sauvage en petits morceaux grillés avec du maïs apparement bouilli et soufflé, et le tout garni d'une sorte de salade 'mexicaine'. Cela est assez depaysant. Ayant dîné très tôt, et m'étant couche très tôt, je me retrouve maintenant totalement éveillé a 3h30 du matin. Du coup j'en profite pour écrire ce petit post...

Pascual est une personne vraiment sympathique et attachante: Ce que je savais déjà se confirme:
Il est originaire de Tanguntsa et grâce aux évangelistes (son père qui est un chaman très puissant avait des contacts avec des évangelistes), il a été scolarisé trois années aux USA, ou il a été "graduated" comme on dit, puis il est allé à l'université de Quito...
En fait ce qu'il en ressort est que dès la génération de ses parents, il y a eu dans sa communauté une sorte de prise de position et un choix qui a été effectué:
Il m'a expliqué qu' il y a encore quinze, vingt années, des réductions de têtes étaient toujours pratiquées (Tzantzas) à cause d'intenses vendetta. Son père a eu l'intuition que les divisions claniques générées entre sa communauté et d'autres, les fragilisaient face aux colons qui en profitaient pour les exproprier. Il s'est alors dit que la meilleure stratégie n'etait pas d'avoir un choc frontal avec les 'blancs' mais de maitriser leur langage et les connaitre en leurs logiques propres pour mieux assurer leur propre indépedance et l'acquisition de territoires ancestraux. La stratégie choisie fut celle de faire éduquer ses propres enfants pour les faire revenir dans la communauté.
Pascual me parlait ainsi de sa dualité culturelle et de la richesse que cela représentait à ses yeux, car cela lui permettait de penser des projets assurant l'indépendance de sa communauté avec en même temps un soutien international:
Très récemment, il y a deux ou trois semaines il a recu la visite d'un journaliste francais d'europe 1, est ce la conséquence de ce blog ? d'ikiam.info ?
Bref...
Du coup, en ayant voyagé, il se dit choqué que des étrangers, lui disent: "Tu n'as pas besoin d'ordinateur, tu n'as pas besoin de voiture car tu as ta propre culture" et lui de répondre: " Pour garder ma culture, il faut que je puisse communiquer (email) garantir ma mobilite (voiture, il a son permis), et que je puisse vivre à côté de vous et non pas en dehors de votre monde"

Je cite cette phrase car elle résume parfaitement bien la situation....
Sous le couvert de la protection des indigènes, certaines personnes dont j'ai déjà parlé, leur font des lecons de morales sur ce que devraient être de nos jours leur mode de vie et leurs choix sous l'argument de mauvaise foi qui consiste à dire que l'occident n'amènerai chez eux qu'alcoolisme et prostitution. Cela est vrai en partie, malheureusement... De la même façon que des occidentaux finissent par être des cas psychiatriques à la suite de stages chamaniques chez eux.
Ce qu'il en ressort est que lorsqu'un contact s'établit entre deux "cultures Etrangères" de façon brutale, sans connaissance et aprentissage de l'un vis a vis de l'autre les dégâts sont réciproques et considérables, et c'est justement ce que veut éviter Pascual. De l'occident il veut garder les méthodologies éducatives qu'il a subies pour les appliquer à la culture a-shuar, pour en fin de compte que ces communautés n'aient plus honte face aux occidentaux de leur chaminisme, de l'arutam (la grande âme) et des awans (âmes) des plantes qui les entourent.
Apparemmennt son projet ikiam devient rentable grâce à la visite de journalistes, d'ethnologues, d'artiste (je suis le premier) et lui permet de financer des écoles shiwiars pour dispenser des enseignements dédiés à leur langue, cosmologie, et essaie de faire revenir pour ces enseignement les shiwiars de deuxièmes générations qui sont devenus des urbains.
De la même façon, le projet eco-touristique a pour priorité de sensibiliser les étrangers à leur culture.
Et je trouve fascinant qu'un a-shuar puisse employer le mot "culture", car de la même façon il y a des anglicismes dans notre langue, il y a des "occidentalismes" dans son discours.
Mais le plus intéressant est qu'il explique que l'occident génère l alcoolisme et la prostitution dans leur communauté, mais l'occidental se garde bien de voir qu'elle est l'origine profonde de ces maux:
A savoir que ce contact colonialiste (les évangelistes) n'a eu pour mission que de déprécier leurs rites, leurs mode de vie pour les amener à se sédentariser et ne pas être poligame ect... et en plus ces colons ont enseigné la culpabilité d'être ce qu'ils sont, et c'est là l'origine de ces maux et la cause de la dépression profonde dans laquelle ont été plongé un grand nombre d'indigènes....
Et la seule sortie que voit Pascual est la réhabilitation de leur mode de vie et rites, et l'effacement progressif de cette culpabilité...
Comme il dit " Comment peut on être coupable de ce que l'on est? On est différent, on doit vivre dans le même monde à côté des uns et des autres et pour cela on ne saurait etre parqués en réserve ou marginalisés à la périphérie des villes. Il n'y a pas de raisons à cela, nous avons nos richesses, nos terres et notre culture et nos actions politiques..."

D'ailleurs, j'en profite pour vous dire que son frère est président de la confédération CONFENIAE et que je vais le rencontrer ce matin, car dans le cadre de ses projets d'écoles, Pascual reçoit entre autres le soutien de cette confédération.
J'ai oublié de vous dire que Pascual est venu m'attendre à l'aéroport avec son assistante qui est artiste et anime un réseau d'écoles et elle sera là aussi à notre rdv de ce matin...

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