Un lien entre le peuple Shiwiar, vivant en Haute-Amazonie,
et le Palais de Tokyo, site de création contemporaine, à Paris.
Un projet de Valéry Grancher 2005
05 septembre 2005
"Tropiques et tropismes"
Les tropiques ont des noms symboliques et évocateur: "Capricorne", "Cancer"... et n'ont cessé de nourrir la littérature de Levi-Strauss à Miller. Souvent quand on en parle, toutes personnes les évoquant provoquent un tropisme chez son interlocuteur, un trouble de la perception mélangeant exotisme, rêves et fantasmes...
En planifiant cette petite expédition, je ne peux m'empêcher de penser à mes voyages précédents, de kalimantan à Bornéo au Delta du Waouri au Cameroun. Toutes les tropiques se ressemblent et se dissemblent, toujours la même sensation de régression foetale quand on pénètre dans une jungle:
A la frontière de la Birmanie en Thaïlande dans les environs de Chiang Maï, en plein coeur de Kalimantan à Bornéo, à la Monkey forest de Bali, dans les mangroves du Delta du Waouri au Cameroun, aux confins de la Guyanne, ou encore dans ces petites jungles des îles caraïbes. Une température équivalente à celle de notre corps, une humidité opressante et réconfortante apportant une plénitude à nos poumons. L'obscurité et le silence de nos forêts continentales nous effrayent, les cris, les chants, croissements et bruits divers tous assourdissant dans la jungle nous rassurent. On se sent enveloppé, en communion, on baisse la garde et l'on devient imprudent en ces milieux hostiles. Ne parlons pas des maladies que l'on ramène de ces voyages, la malaria, la dengue et toutes les parasitoses qui vous clouent au lit des semaines et vous gratifient d'un catalogue d'anticorps qui fascine tout immunologue. Et si on se laisse glisser sur les pentes de ces souvenirs, les clichés pleuvent en cascade ...
Si tous ces faits ont leur part de vérité, il ne faut surtout pas qu'ils occultent l'essentiel, à savoir la rencontre avec l'autre à la limite de notre monde, parfois maladroitement et inconsciemment perçu de notre part comme en dehors de notre monde. Sans parler qu'avant même de les rencontrer, chez nous ces communautés sont auréolées et drappées de leur statut de victime avec tous les effets pervers que cela apporte: "On veut le bien pour les indigènes", "On décide ce qui est bien pour eux" et comme tout enfer pavé de bonnes intentions, ainsi sont reproduites d'années en années et de siècles en siècles les mêmes erreurs:
Il y a cinq cents ans, on voulait leur bien au nom du Christ, de nos jours on leur veut du bien en leur nom en les figeant dans un floklore éxotique:
Ainsi les dogons ne devraient pas utiliser de couleurs acryliques sur leurs masques kanaga, ainsi les jivaros ne devraient pas utiliser des bassines en plastiques, gare! ils s'acculturent, et bien sur quel est le meilleur juge pour cette acculturation? nous les blancs mieux habilités pour juger de ce qui est bon pour eux, en les figeant dans leur tradition et en les parquant dans des réserves qui divertiront les riches touristes en mal de virginité et d'exotisme:
Un indigène est tellement plus divertissant quand il est emplumé et surtout qu'il reste emplumé !
Face à cela on ne peut s'empêcher de penser à la parfaite symétrie inversée de ce que faisaient et font toujours les évangélistes intégristes...
Ce même fascisme nourris de bonne conscience:
- Avant on les emprisonnait dans notre fantasme de rédemption au nom du Christ
- De nos jours on les emplume pour leur bien et on les parque dans leur mémoire qu'on sévertue à fossiliser !
Et si l'acculturation était le propre de la culture ?
Car la vraie question est de ne pas de se demander ce qui est bon pour eux, car ils sont tout à fait capables de décider pour eux mêmes ce qui est bon pour eux, la vraie question est:
Est ce qu'on leur fait confiance ? Car d'un côté en voulant formater cet 'autre' dans notre fatras cruciforme et de l'autre la volonté de le figer dans nos clichés de ce qui est censé "être primitif", il s'agit sur le fond du même fascisme puritain !
Dans les deux cas, le dialogue avec l'autre est rejeté, car ce dialogue fait peur !
En effet que doivent penser ces chers dirigeants WASP des groupes pétroliers quand des communautés indiennes virent le président à leur solde en Equateur?
Car en vérité, il n'y a aucune opportunité que leurs intérêts convergent avec ceux de notre société, et le salut viendra le jour où notre chère société acceptera cette différence et cette divergence en la vivant avec pleine conscience, tolérance et respect !
Car en bon hypocrite, il est plus aisé de se donner bonne conscience en achetant des sels de réhydratation pour l'UNICEF, en se confortant sur leur statut de victimes que de leur donner une vraie opportunité de choix de ce que devrait être leur destin, en étant chaque jour en état de vigilance sur la conséquence de nos actes dans notre quotidien en terme de biodiversité, de climatologie et surtout en terme d'écologie humaine tout simplement !
La solution est tout simplement d'accepter l'autre pour ce qu'il est, en est t'on vraiment capable ?
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