23 septembre 2005

"Cosmétiques..."



Photo: Philippe Descola

Il y a un détail intéressant qui me questionne, c'est la fascination des industries cosmétiques face à la biodiversité, et qui sont une des premières causes de la remise en question de cette biodiversité en surexploitant des espèces végétales rares.
Si on dressait une liste des fruits et légumes, et substances diverses d'origines animales, censées rajeunir notre peau ou la maquiller:
Cela va de la peau d'orange, les pépins de raisin, la lavande, en passant par le sperme de taureau, la semence de saumon ou encore les produits placentaires d'origines humaines....
Comme quoi le ridicule ne tue point dans le marketing.
Cependant, il serait bon de s'intéresser sur l'origine de l'industrie du cosmétique, à savoir ce besoin typiquement humain de se maquiller et de se parer: Cela va du tatouage, en passant par le maquillage jusqu'à l'habit.
Dans nos sociétés l'usage du maquillage par l'homme n'est pas dénué de sens, et signifie une appartenance à un genre comportemental au niveau sexuel, car on est catégorisé ainsi selon nos moeurs. Jean Paul Gaultier fait bien une tentative courageuse, mais force est de constater que la consomation de ses produits de maquillage pour homme concerne plus une cible présente dans le marais, plutôt que celle présente à la Défense.
Je ne parlerai pas du tatouage tout aussi intéressant, et tout aussi codé:
Que ce soit chez les criminaux russes (je recommande à ce sujet le fabuleux ouvrage "Russian criminal tatoo encyclopaedia" de Danzig Baldaev et Alexei Plutser-Sarno, publié chez Steidl / Fuel) ou que ce soit chez les femmes Mbouaka du Congo belge photographiées par Zagourski ("L'Afrique disparue" Zagourski, Skira/Seuil).

Si l'on s'intéresse au maquillage des jivaros, des a-shuars et des shiwiars, on peut d'ores et déjà noter que cela est transgenre, et ne connote nullement l'appartenance à des moeurs sexuelles quelqu'elles soient. Les hommes se maquillent:
Ils se parent de très longs karis aux oreilles (sorte de tiges en bois décorées et enfoncées dans le lobe des oreilles), de couronnes TAWASAP faites de plumes d'aras rouges et jaunes et d'un maquillage au trait rouge fait avec du roucou évoquant la face d'un anaconda (Philippe Descola "Les lances du crépuscule" page 196), ou la gueule d'un jaguar (page 325). D'ailleurs le maquillage des femmes semble plus simple suivant les descriptions glânées par divers ethnologue... Ces motifs sont parfois combinés avec des motifs noirs tracés au génipa. Les Hommes peuvent s'en parer avant de partir en guerre (est ce une façon de s'accaparer les pouvoirs magiques de l'animal divin évoqué ?).
Bref même dans les sociétés pré-moderne ce besoin cosmétique est ressenti, et pratiquement pour les mêmes motivations que dans nos sociétés:
- Les commandos se maquillent avant une attaque, non plus pour s'accaparer le pouvoir magique d'un animal, mais pour disparaître dans son environnement de combat.
- Nos femmes ne se maquillent elles pas différemment quand elles veulent séduire, ou revendiquer une position sociale ?

Je me suis souvent demandé, si il existe un tel comportement chez les animaux... à ma connaissance non, mais je ne suis pas expert en la matière...
Mais toujours est il que ce comportement humain, si humain, est un des paramètres de l'universalité de notre condition humaine.
Mais le plus triste de l'histoire est de voir de grands industriels cosmétiques utiliser cet alibi en se drappant dans les oripeaux de la défense de la biodiversité, alors que sous la pression de leurs départements marketing (le pouvoir de l'exotisme), ils deviennent une des causes de la disparition de cette biodiversité:
Car quoiqu'on en dise, la biologie n'est pas comme l'ethnologie, il y a bien des exemples d'ethnogénèse quand des communautés et tribus disparaissent, mais aucune espèce biologique n'apparaît quand une disparaît...
La mort est irrévocable !
Et finalement, bien souvent on naît nu et l'on meurt maquillé...

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