Vous trouverez ci-après un article d'Anne Kawala sur ce projet, que j'ai trouvé par hasard sur la toile, je ne sais de quand il date...
"Depuis le 1er septembre, Valéry Grancher tient le weblog du projet développé en partenariat avec le Palais de Tokyo: The Shiwiars Project. Un weblog, Valéry Grancher, artiste dont le médium numérique est celui de prédilection : tout semble normal. Sauf que ce weblog, à partir du 9 octobre prochain sera tenu du fin fond de la Haute Amazonie, vers Quito, où l’artiste se rend pour quelques deux semaines. Il part s’immerger, « faire l’expérience d’une sorte d’idiorythmie » dans l’une des dernières tribus de «réducteurs de tête », tenter de tisser un lien d’une nature a priori improbable : il y a opposition jusqu’au conceptions cosmogoniques, jusqu’à la notion de réalité. Et pourtant...
Les Shuars sont, et Valéry Grancher le souligne dans son blog, un peuple dont l’importance au sein de leur pays est majeure : ils ont résisté et résistent encore à la colonisation, opposant au capitalisme ses propres armes (l’anecdote au sujet de l’ayahuasca est révélatrice.).
Si l’exploitation et la destruction de la forêt amazonienne menacent leurs territoires, il n’en reste pas moins que les tribus indiennes le protègent et le valorisent. Leur résistance adaptée à notre système n’évince en rien leurs valeurs ancestrales.
Le dispositif initial était technologiquement ambitieux, – il consistait en une retransmission permanente au palais de Tokyo, d’un flux d’images prises en direct au moyen de trois caméras -, mais humainement controversable. Valéry Grancher énonce lui-même ce problème sur son weblog :
« Au delà du problème technique, il se posait la question de l'écologie humaine du projet dans la communauté Tanguntsa:
Comment un tel dispositif (tout de même lourd) allait être perçu par les indigènes et quelles conséquences cela aurait sur eux?
Je n'avais pas de réponse à cette question et je n'en ai toujours pas...
Ce qui rendait cette première version du projet encore plus suspecte à mes yeux:
J'arrivais chez eux avec mes gros sabots techno, et repartais en laissant un dispositif totalement étranger dans leur paysage: trois yeux électroniques. Quand on connaît le mode de vie des shuars, qui attribuent une symbolique et une vie spirituelle à tous les objets de leur quotidien, quel effet aurait cet intrus technologique dans leur environnement spirituel?
Du coup, la seule solution et la seule règle d'or qui ressort de tout cela, est la discrétion, je serai un invité chez eux et devrai me tenir en tant que tel. L'experience que je vivrai deviendra une pièce à mon retour, à Paris, mais cette expérience ne saurait interférer sur leur mode de vie. A leurs yeux je ne serai qu'un visiteur parmi d'autres et rien de plus... »
En lieu et en place, il souhaite désormais faire la capture filmique/photographique d’une journée dans un village Shiwiar (le dispositif précis, des sources d’énergies non polluantes au matériel anti-humidité est détaillée sur son weblog). Soit, calcule-t-il plus un tétra Giga octets de données, qu’il traitera, montera, à son retour en France.
La vidéo sera présentée au palais de Tokyo, second volet de ce projet, du 26 octobre au 13 novembre. Cette exposition s’ouvrira par un colloque que donnera Valéry Grancher, accompagné d’un responsable d’un village Shuar et de personnes hautement impliquées dans la lutte pour la protection de ces territoires.
Ainsi Valéry Grancher, explorateur et acteur du continent sans cesse en mouvement qu’est Internet, transpose, avec The Shiwiars Project, ses recherches virtuelles d’interactivité, d’interrelations et d’explorations fantasmées de l’inaccessible ( de Heart time/ time Heat, 2001 à Found Sculpture on Mars, 2005 ) à notre conception du réel. Mais par rapport à celle des Shuars ? Où se situe l’inaccessible ? Et si les propositions se renversaient ?
Il pose, avec ce projet, à nouveau cette question, au coeur des problématiques de l’art contemporain : quelle est valeur du film documentaire en tant qu’œuvre d’art ?
Mais aussi la question de la valeur de l’expérience physique, du savoir, et de la transmission d’un savoir expérimenté : possible ou impossible ?
La valeur économique et politique que représente Valéry Grancher dans un tel contexte, n’est-elle pas la seule qu’intéressent les Shuars ? Le shaman en chef, avec lequel est en contact mailValéry Grancher, ne l’a-t-il pas sonder, au sujet des Tzantza, ces têtes réduites, pour savoir si cela l’intéresserait ? Ne vaut-il pour eux, qu’un touriste supplémentaire, à la fois excité et terrorisé par les pratiques «magiques » ? Tout cela serait légitime de la part d’un peuple duquel l’enjeu est la survie. Mais alors quel lien établir, même en tant qu’observateur ? Comment ce shaman présente-t-il le projet à cette tribu de 18 habitants dans laquelle Valéry Grancher habitera lors de ces deux semaines ?
L’humanité, la délicatesse, la douceur, la lenteur devront être de mises pour que ce projet ne soit pas une sorte de mission ethno-économique, mais un véritable partage, ce lien que rêve de tisser Valéry Grancher. Laissons-en lui le soin, comme celui de le nous transmettre à son retour grâce, et sans asservissement, aux moyens technologiques qu’il sait si bien manier.
Valéry Grancher : www.theshiwiarsproject.org ; www.nomemory.org
Anne Kawala"
Je profite de ce billet pour vous annoncer qu'une nouvelle installation vidéo dans la suite de ce projet est en cours de production et sera présentée à l'exposition "Du jardin au Cosmos" l'été 2008 à l'espace d'Art Concret de Mouans Sartoux...
Valéry Grancher
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