10 septembre 2005

Visiter...

Au départ, je voulais que l'installation montrée au Palais de Tokyo soit un dispositif fait de trois écrans géants disposés perpendiculairement présentant un panorama en temps réel de l'endroit où je serai en Haute Amazonie, avec une sonorisation spacialisée transmise également en temps réel. Je me suis fait aider par les meilleurs techniciens pour concevoir ce projet, et je tiens d'ailleurs à remercier Garret Linn de New York qui m'a apporté une aide très précieuse et des conseils avisés.
En fait, mon désir le plus fort était de 'téléporter' en temps réel les spectateurs en Amazonie, ainsi une ubiquité pouvait apparaître entre Paris et Tanguntsa.
Si, sur le papier, ce projet était viable (technologies et softs disponibles), son optimisation devenait un enfer et s'averait impossible.
Après consultation d'un expert telecom d'OZONE, notre partenaire, je découvrais que les réseaux wifi avaient du mal à être optimisés avec une connexion satellite pour des raisons de temps de latence impressionnants:
En effet, les trois caméras en Haute Amazonie devaient être disposées en croix (trois branches: est/nord/ouest) et le dispositif vidéo reproduit en temps réel ce panorama. La liaison de ces caméras avec le satellite devaient se faire via un réseau wifi: les caméras transmettent leur flux video en stream via le réseau wifi vers un routeur satellite qui envoie le tout à Paris.
On avait choisi un réseau wifi et non pas filiaire, pour des raisons de contraintes locales: des insectes ont le bon goût de ronger les gaines des câbles (les fourmies de cette région entre autres). Et ce réseau wifi en plus de servir aux caméras devait servir à la mise à jour quotidienne de ce blog.
En s'intéressant ensuite aux contraintes locales, j'entend climatiques et biologiques, je tombais dans l'impasse:
En plus des problèmes de compatibilité wifi et satellite, je découvrais qu'en Equateur dans cette région, il y a des orages quotidiennement, et en Equateur, les orages magnétiques existent en plus grand nombre, et, deviennent aussi un vrai problème pour les connexions satellites (rupture de flux). En plus de ces orages, le taux d'humidité impressionnant dans cette région, détruit tout matériel électronique (des moisissures poussent sur les circuits et provoquent des courts-circuits).
Et pour terminer, je ne mentionne pas les problèmes d'énergie (utiliser obligatoirement des énergies renouvables non polluantes) et quand on connait la gourmandise energétique du matériel électronique...

Conclusion:
Pour une transmission vidéo et sonore en temps réel permanente pendant 1 mois, cela nécessite une bande passante conséquente (400 ko en upload et en download) et un flux stable sans rupture ! Bref, au vu des contraintes cela s'avère impossible d'arriver à un résultat stable.
Du coup, je ne peux avoir une connexion internet pour la mise à jour en temps réel de ce blog, et je ne peux transmettre en temps réel les vidéos, j'avais à repenser dans sa globalité ce projet.
La question du blog, était de pouvoir publier chaque jour un ou plusieurs posts, et la solution est apportée par la téléphonie satellite:
En effet, avec un mobile Irridium, chaque jour je dicterai les posts à un rédacteur à Paris qui les publiera sur le blog en temps réel. Pendant cette période le blog sera exclusivement textuel, mais le lien entre les deux espaces sera maintenu. Et, à mon retour, les images concernant les posts seront publiées à posteriori...
Pour la vidéo, un autre dispositif est en cours de conception basé sur le principe du différé:
Images filmées en Amazonie, puis montées et montrées à Paris...

Au delà du problème technique, il se posait la question de l'écologie humaine du projet dans la communauté Tanguntsa:
Comment un tel dispositif (tout de même lourd) allait être perçu par les indigènes et quelles conséquences cela aurait sur eux?
Je n'avais pas de réponse à cette question et je n'en ai toujours pas...
Ce qui rendait cette première version du projet encore plus suspecte à mes yeux:
J'arrivais chez eux avec mes gros sabots techno, et repartais en laissant un dispositif totalement étranger dans leur paysage: trois yeux électroniques. Quand on connaît le mode de vie des shuars, qui attribuent une symbolique et une vie spirituelle à tous les objets de leur quotidien, quel effet aurait cet intrus technologique dans leur environnement spirituel?
Du coup, la seule solution et la seule règle d'or qui ressort de tout cela, est la discrétion, je serai un invité chez eux et devrai me tenir en tant que tel. L'experience que je vivrai deviendra une pièce à mon retour, à Paris, mais cette expérience ne saurait interférer sur leur mode de vie. A leurs yeux je ne serai qu'un visiteur parmi d'autres et rien de plus...

"Moralité:"
Quand on part d'un fantasme technologique, on court à l'échec:
Un projet artistique ne peut naître d'une technologie quelqu'elle soit, mais il est un 'regard', une 'expérience', un questionnement d'un 'monde', 'contexte'... par conséquent, un projet artistique naît d'un contexte, d'une expérience et les technologies ne sont plus que des outils au service de cette experience et de ce contexte...

1 commentaire:

Valéry Grancher a dit…

Thank you for you comment and you are focusing the right point. Valéry Grancher